QVCT et risques psychosociaux : pourquoi les confondre ralentit les établissements
La semaine dernière, une directrice d’EHPAD me contactait, inquiète : « Nous avons lancé une démarche QVCT il y a 6 mois. Nous avons mis en place une cellule d’écoute, des ateliers de gestion du stress, un numéro vert… Mais l’ambiance ne s’améliore pas et l’absentéisme continue d’augmenter. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? »
La réponse tenait en une phrase : vous n’avez pas fait de la QVCT, vous avez fait de la prévention des risques psychosociaux.
Cette confusion est l’une des plus coûteuses pour les établissements médico-sociaux. Elle freine les démarches, épuise les équipes de direction, et génère de la frustration chez les professionnels qui ne voient pas d’amélioration concrète de leurs conditions de travail.
Voyons pourquoi cette distinction est cruciale, et comment la clarifier change tout.
QVCT et RPS : deux démarches, deux logiques
La prévention des RPS : une approche centrée sur les risques
La prévention des risques psychosociaux (RPS) part des problèmes : stress chronique, épuisement professionnel, violence, harcèlement, souffrance au travail. Elle vise à identifier les risques, les évaluer, et mettre en place des mesures pour les réduire.
C’est une démarche essentiellement réactive et corrective : on agit parce qu’il y a un problème à résoudre, un risque à prévenir, une obligation réglementaire à respecter (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels).
Exemples concrets dans le médico-social :
- Mettre en place un protocole après une agression d’un résident
- Accompagner une équipe après un décès traumatisant
- Former les managers à détecter les signaux faibles de souffrance
- Créer une cellule de soutien psychologique
La QVCT : une approche centrée sur les conditions de travail
La QVCT, elle, est une démarche proactive et constructive. Elle ne part pas des problèmes, mais d’une question simple : comment améliorer les conditions dans lesquelles le travail s’effectue pour que chacun puisse bien faire son travail et y trouver du sens ?
Elle concerne tous les professionnels, pas seulement ceux en difficulté. Elle vise à développer l’autonomie, la coopération, la reconnaissance, les moyens de bien travailler.
Exemples concrets dans le médico-social :
- Réorganiser les tournées des aides-soignants pour réduire les interruptions constantes
- Créer des espaces de régulation où les équipes éducatives peuvent échanger sur les situations complexes
- Clarifier les rôles et responsabilités entre infirmiers et aides-soignants
- Améliorer la transmission d’informations entre équipes du matin et du soir
- Donner aux chefs de service les marges de manœuvre nécessaires pour adapter l’organisation
Pourquoi la confusion ralentit les établissements ?
1. Une démarche perçue comme stigmatisante
Quand on présente la QVCT comme une réponse aux RPS, le message implicite est : « vous allez mal, nous allons vous soigner ». Les professionnels qui se sentent bien dans leur travail ne se sentent pas concernés. Ceux qui vivent des difficultés peuvent se sentir pointés du doigt.
Résultat : une mobilisation partielle, voire une résistance passive.
2. Des actions qui passent à côté des vrais leviers
Les dispositifs de prévention des RPS (cellule d’écoute, ateliers bien-être, numéro vert) sont utiles, mais ils n’améliorent pas les conditions de travail. Ils aident à « tenir », pas à transformer ce qui pose problème.
Exemple concret : dans un IME, les éducateurs se plaignent d’être constamment interrompus dans leur travail auprès des jeunes. On leur propose des ateliers de gestion du stress. Cela les aide peut-être à mieux gérer leur frustration, mais cela ne résout pas le problème de fond : l’organisation du travail qui génère ces interruptions.
3. Un épuisement des ressources sans résultats durables
Les établissements investissent temps et argent dans des actions qui traitent les symptômes, pas les causes. Au bout de quelques mois, les mêmes difficultés réapparaissent. L’équipe de direction se décourage : « nous avons tout essayé, rien ne fonctionne ».
En réalité, on n’a pas tout essayé. On a traité les conséquences, pas les conditions de travail elles-mêmes.
Un exemple terrain : l’usure professionnelle en MAS
Prenons le cas d’une Maison d’Accueil Spécialisée confrontée à une usure professionnelle croissante des aides médico-psychologiques (AMP).
Approche « prévention RPS » (insuffisante)
- Diagnostic : les AMP sont épuisés, plusieurs arrêts maladie
- Actions : formation à la gestion du stress, mise en place d’un soutien psychologique, sensibilisation au burn-out
- Résultat : apprécié sur le moment, mais l’usure continue car les causes organisationnelles ne sont pas traitées
Approche « QVCT » (transformative)
- Diagnostic : pourquoi cette usure ? Investigation sur le travail réel
- Constats :
- Charge émotionnelle : les AMP gèrent seuls des situations complexes sans espace de régulation collective
- Empêchement : ils n’ont pas le temps de faire le « beau travail » avec les résidents, seulement les soins de base
- Manque de reconnaissance : leur expertise sur les résidents est peu sollicitée dans les décisions
- Organisation : les roulements ne permettent pas de continuité dans l’accompagnement
- Actions QVCT :
- Création d’un temps hebdomadaire de régulation d’équipe sur les situations complexes
- Réorganisation des plannings pour garantir une continuité d’accompagnement
- Valorisation de l’expertise des AMP en les associant aux décisions concernant les projets personnalisés
- Clarification des priorités : qu’est-ce qu’un « bon accompagnement » ? Qu’est-ce qui peut être reporté ?
- Résultat : les AMP se sentent plus soutenus, retrouvent du sens dans leur travail, et l’usure diminue durablement car les conditions de travail ont changé.
La différence ? La première approche aide à « tenir malgré » les contraintes. La seconde transforme les contraintes elles-mêmes.
Micro-outil : le cadrage conceptuel en 3 questions
Pour éviter cette confusion dans votre établissement, posez-vous ces trois questions avant toute action :
Question 1 : Quel est notre point de départ ?
- ❌ RPS : « Nous avons un problème (absentéisme, tensions, souffrance) »
- ✅ QVCT : « Comment améliorer les conditions de travail pour tous ? »
Question 2 : Qui est concerné ?
- ❌ RPS : Les personnes en difficulté, celles qui « vont mal »
- ✅ QVCT : L’ensemble des professionnels, quelle que soit leur situation
Question 3 : Sur quoi agissons-nous ?
- ❌ RPS : Sur les individus (les aider à gérer, à tenir, à récupérer)
- ✅ QVCT : Sur l’organisation du travail (processus, moyens, autonomie, coopération, reconnaissance)
Le test simple : si votre action pourrait être résumée par « aider les gens à mieux supporter les difficultés », vous êtes dans une logique RPS. Si elle peut être résumée par « transformer ce qui génère les difficultés », vous êtes dans une logique QVCT.
Les deux démarches sont complémentaires, pas interchangeables
Précisons-le clairement : il ne s’agit pas d’opposer QVCT et prévention des RPS. Les deux sont nécessaires.
- Quand un établissement fait face à des situations de souffrance au travail, il doit d’abord protéger et accompagner les personnes concernées (prévention RPS).
- Mais parallèlement, il doit transformer les conditions de travail qui ont généré ces situations (QVCT).
Le problème survient quand on fait l’un à la place de l’autre, ou qu’on croit faire de la QVCT alors qu’on ne fait que de la prévention RPS.
La question à se poser : dans notre établissement, avons-nous clairement distingué les actions qui relèvent de la prévention des RPS de celles qui relèvent de la QVCT ? Investissons-nous autant d’énergie à transformer les conditions de travail qu’à accompagner les personnes en difficulté ?
Vous voulez clarifier votre démarche ?
Cette distinction entre QVCT et RPS est l’une des clés méthodologiques essentielles pour réussir une démarche dans le médico-social. C’est pourquoi j’y consacre une partie importante du premier webinaire de notre cycle :
🎯 Webinaire 1 – L’ABC de la QVCT et les grandes lignes méthodologiques
📅 Vendredi 5 décembre, 11h-12h
→ Clarifier QVCT vs RPS, comprendre les référentiels, disposer d’un tableau de bord méthodologique complet
🎯 Webinaire 2 – QVCT : méthode de mise en œuvre et principaux outils
📅 Jeudi 16 janvier, 13h-14h
→ Les outils concrets pour transformer les conditions de travail (pas seulement gérer les symptômes)
🎯 Webinaire 3 – Gestion de projet QVCT, suivi-évaluation, ouverture à la RSE
📅 Jeudi 6 février, 11h-12h
→ Piloter dans la durée et éviter que la démarche s’essouffle
Format : 20-30 minutes de présentation pragmatique + échanges sur vos situations concrètes
Public : Directeurs, RH, responsables qualité, médecins du travail, représentants du personnel du secteur médico-social
💡 Chaque webinaire est autonome – inscrivez-vous à celui qui correspond à votre besoin immédiat.
📌 Le cadrage complet QVCT/RPS et les inscriptions : www.cabinet-jpt.com
Et vous, dans votre établissement, avez-vous déjà confondu les deux approches ? Qu’est-ce que cela a changé une fois la distinction clarifiée ? Partagez votre expérience en commentaire.
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