« RPS » : Risques Psycho-Sociaux, ou Ressources Psycho-Sociales ?
La formule fameuse est de Yves CLOT (« Le travail à cœur », La Découverte, 2010), et elle est d’une actualité brûlante. Le travail est-il un objet de souffrance, dont on doit combattre en permanence les effets négatifs, ou faut-il le considérer à l’inverse comme un facteur d’épanouissement, dont on doit tirer le maximum de bien-être et de santé ? Derrière les combats politiques sur le futur projet de réforme des retraites, une autre question se dessine : quel est l’impact de la fin du travail ? de quoi doit-on se protéger si fort : de la diminution des ressources matérielles et des conditions de vie, ou de la perte d’un étayage de l’identité et des ressources psychosociales du travail ? Bien sûr, il n’est pas question de réduire la réflexion à un seul de ces facteurs : il est clair que dimension matérielle et dimension psychologique sont étroitement liées. De même que le Professeur CLOT, en sous-titrant son livre « pour en finir avec les risques psychosociaux », ne supposait pas que la souffrance au travail n’existait pas. Mais il mettait l’accent, et il est bon de le rappeler de temps en temps, sur le fait qu’aborder le travail comme une charge (« tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » dit la Genèse) risque d’occulter une autre réalité importante : la qualité du travail bien fait est aussi un facteur de santé. « Il n’y a pas de stratégie du bien-être déconnectée du bien-faire » déclarait l’auteur à nos confrères d’ « Entreprises et Carrières » (N°1042, avril 2011). Alors que bien souvent se pencher sur la vulnérabilité des salariés-victimes, et notamment par la surenchère autour des facteurs de la pénibilité, peut dériver vers des formes d’ « hygiénisme » politique qui ne règle rien à la question de la qualité du travail. Pire, une attention uniquement focalisée vers la rétribution matérielle du poids du travail peut occulter dangereusement un autre combat nécessaire : pour dégager la qualité du « travail bien fait » des conditions contraignantes qui la restreignent, pour améliorer sans cesse et de façon collective les organisations, pour coconstruire de nouvelles réalités économiques et sociales. Dans la finalité de prévenir les Risques Psycho Sociaux, il ne faut jamais oublier l’importance que les salariés prennent eux-mêmes en charge la relation entre la performance attendue de l’entreprise et les moyens d’une production de qualité, c’est-à-dire se donnent les moyens d’une contrepartie positive du bon travail réalisé en termes d’estime de soi.
Sans oublier que si beaucoup connaissent la souffrance au travail, et les différentes formes que prend l’impact nocif du stress, beaucoup d’autres connaissent aussi les souffrances de l’absence du travail, et les différentes formes de déclassement et de mésestime de soi qu’elle engendre…
Jean-Philippe TOUTUT