EDITORIAL MARS 2020 « Spécial coronavirus »
Bonjour à tous nos lecteurs,
Nous qui nous penchons depuis près de trente ans sur la santé au travail, nous ne nous doutions pas qu’un jour cette santé serait impactée par une terrible pandémie qui désorganiserait tous les secteurs du travail et de l’économie. Avant tout, ne perdons pas de vue que par leur mission propre, certains secteurs (professions du sanitaire, médico-social, social, maintien de l’ordre…) sont plus exposés que d’autres, et leurs conditions de travail aujourd’hui requiert toute notre attention et tout notre soutien.
Nous qui nous penchons depuis près de trente ans sur le sens au travail, et sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, nous sommes amenés, dans cette confrontation à des circonstances exceptionnelles, à nous poser des questions de fond qui dépassent l’immédiate et évidente solidarité que nous nous devons les uns aux autres.
Aucune modélisation technique, aucune compétence professionnelle, ne peut se dispenser d’un socle de réflexion philosophique, critique, sociale. C’est ainsi que nous consacrons ainsi tout un chapitre de notre prochain livre sur « la QVT : le guide » à « la petite philosophie de la QVT ». Mais aujourd’hui, la gravité de la crise que nous traversons nous oblige à prendre une hauteur de réflexion plus large sur les phénomènes traversés et leur sens, de nature existentielle et systémique. Cette crise n’est assurément pas que sanitaire, même si elle en prend l’apparence :
-que vient nous dire cette pandémie, des fondamentaux de nos sociétés ? organisations consuméristes de production, subordination des services publics face aux services marchands, soutien affiché de l’individualisme néo-moderniste, financiarisation de la mondialisation… sont questionnés au cœur de leurs logiques et de leurs finalités ;
-que veut nous apprendre cette situation inédite ? car tout évènement individuel ou collectif porte sa leçon de sagesse, dont l’écoute est cruciale si on ne veut pas voir réapparaitre la leçon de façon plus brutale ; un décodage symbolique, un travail individuel et collectif de signification, apparaissent absolument nécessaires, au-delà des conduites de précaution immédiates et des nécessités de la gestion de crise.
En situation, chacun doit faire ce qu’il a à faire, du mieux possible, à l’endroit où le destin ou le confinement l’a placé, à l’égard de son travail, de sa famille, de ses réseaux, des autres. En profitant d’un confinement qui peut être pris comme un temps de pause, de recul, de réflexion. A part pour les héroïques travailleurs sur le front, il n’y aura plus l’excuse du manque de temps pour penser !
Soyez assurés que de notre côté, nous sommes plus actifs que jamais, là où nous sommes placés. Ce support Internet sera maintenu et actualisé le plus souvent et le mieux possible. Utilisez-le pour entrer en dialogue avec vous, avec les autres, avec nous ; c’est une époque où les liens doivent être resserrés, où des formes nouvelles de communication doivent être adoptés, où des innovations peuvent prendre naissance dans l’écoute et les échanges : à la fois de plus loin et de plus près.
Une chose semble claire à nos yeux : nous ne pourrons / devrons plus faire comme si cela n’avait pas eu lieu, nous ne pourrons / devrons plus reprendre le cours de nos vies à l’identique une fois la pandémie terminée. Et dans un sens ce constat est porteur d’un magnifique espoir : celui d’une transformation potentielle de nos systèmes, de nos relations, de notre humanité enfin. Ce n’est pas une option, c’est une obligation, peut-être celle de conscience. A défaut de quoi la prochaine pandémie, cette fois-ci attaquant les esprits, pourrait être plus meurtrière encore…
Jean-Philippe TOUTUT 22/03/2020