Qualité de Vie au Travail (QVT) et Démocratie Participative : enjeux et méthodes pour accompagner la transformation sociétale (I)
Oct 2019 Julien GODEFROY, consultant « QVT », julien@cabinet-jpt.com
- Les liens étroits entre QVT et qualité de vie
Tout comme « la santé au travail » est indissociable de « la santé », dans sa définition la plus large que nous donne l’OMS, « la qualité de vie au travail (QVT) » fait elle-même partie d’une dimension beaucoup plus vaste qui est celle de la « qualité de vie ».
La qualité de vie est définie comme « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept très large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement. »[1]
La qualité de vie peut donc se percevoir de façon globale et élargie pour un individu :
- dans les différents univers où il interagit, qu’ils soient professionnels, sociaux ou culturels ;
- dans les différentes dimensions qui composent son être : psychologique, psychique, physique ou énergétique.
Nous sommes bien dans le domaine de la perception, de l’Humain dans toute sa richesse et sa complexité : la qualité de vie fait écho au sentiment de bien-être mais aussi à la satisfaction ou au plaisir. La perception globale d’un individu étant complexe – et les différentes dimensions ou univers qui le composent n’étant pas cloisonnés – les impacts d’une sphère sur l’autre sont remarquables.
Ainsi, l’amélioration de la QVT des individus aura des impacts positifs sur leur qualité de vie : des temps psychologiques et sociaux mieux répartis par le biais de l’amélioration de l’équilibre vie privée/vie professionnelle, une augmentation de l’engagement au travail qui pourra se traduire par un sentiment de reconnaissance ayant des répercussions positives sur la vie sociale, ou encore une santé au travail mieux prise en compte dans le cadre de la prévention primaire qui contribuera à améliorer la santé au sens large.
De la même façon, toutes les actions visant à améliorer la qualité de vie des administrés dans les communes auront des répercussions positives sur des aspects de la qualité de vie au travail de ces derniers. Un des exemples les plus probants est peut-être celui des transports. Les plans de développement urbains (PDU[2]) ont des impacts majeurs sur le maillage des transports dans les villes et les flux de véhicules aux entrées de ces dernières. Sur la région toulousaine, il n’est pas rare de passer plus d’une heure dans les transports en commun ou dans son véhicule sur le périphérique pour se rendre à son travail. Face aux embouteillages, nombre d’entre nous s’adaptent : départ différés ou anticipés pour éviter certains horaires, co-voiturage… ce qui peut avoir des conséquences sur l’équilibre des temps psychologiques nécessaires pour favoriser une bonne santé. De plus, la « non-maîtrise » du temps dans les embouteillages est vectrice de stress qui se traduit et s’exprime ensuite en entreprise.
Les liens entre QVT et qualité de vie sont donc étroits et intimement liés.
Nous pouvons aussi observer que, si la QVT est désormais mieux appréhendée en entreprise (notamment depuis la signature de l’accord national interprofessionnel du 19/06/13), il y a encore des marges de progression importantes en ce qui concerne le développement de la qualité de vie dans les communes, les collectivités ou même les Etats. Pourtant, les enjeux en termes de santé publique, d’amélioration du bien-être des citoyens et, par ricochet, d’amélioration des indicateurs économiques et sociaux, paraissent évidents et partagés par beaucoup.
Il convient donc de poursuivre et d’amplifier les efforts en s’appuyant notamment sur des expériences et des indicateurs concordants :
- Certains pays s’intéressent de près à leur qualité de vie car ils ont compris qu’une gestion financiarisée à l’excès était nocive à la condition de la personne humaine. Au Bhoutan par exemple, une expérimentation a permis de créer en 1972 l’indicateur BNB (Bonheur National Brut) afin d’équilibrer un Produit Intérieur Brut (PIB) exclusivement basé sur des données statistiques économiques. Il s’appuie sur quatre piliers : la protection de l’environnement, la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la bonne gouvernance et le développement économique responsable et durable.
- L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), dont les 35 pays membres ont en commun un système de gouvernement démocratique, propose par exemple de comparer les pays en fonction de l’importance accordée aux différents critères du bien-être[3].
- En France, en particulier depuis le rapport Stiglitz de 2009[4] à propos de la mesure des performances économiques et du progrès social, des expérimentations existent pour créer des indicateurs visant à favoriser la qualité de vie[5].
De plus, nous voyons émerger dans de nombreuses communes des initiatives de démocratie participative portées par des élus voire même par des citoyens. Il semblerait donc que la transformation sociétale soit à l’œuvre…
- Démocratie participative et qualité de vie au travail
Beaucoup s’accordent pour dire qu’il est aujourd’hui important pour les salariés de participer à la vie de leur entreprise. De même, il paraît de plus en plus essentiel de permettre aux citoyens de s’impliquer dans la vie de leur commune. Toutes ces démarches contribuent à renforcer la qualité de vie de chacune et chacun d’entre nous.
En entreprise, une méthodologie QVT existe et nous éclaire mais qu’en est-il pour l’organisation de la concertation citoyenne dans une commune ? Dans quel cadre peut-on y parvenir et comment la méthodologie QVT peut nous y aider ?
Le concept de démocratie participative a émergé dans les années 1960 avec Arnold S. Kaufman, philosophe politique américain. On peut retenir la définition suivante : « la démocratie participative est une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique. Elle désigne l’ensemble des procédures, instruments et dispositifs qui favorisent l’implication directe des citoyens au gouvernement des affaires publiques[6] .»
Depuis quelques années, les communes et collectivités accentuent leurs actions de démocratie participative. Remède possible à la crise de défiance qui touche la sphère politique, renforcement du lien et de la cohésion sociale, transformation des citoyens en acteurs responsables, économies substantielles recherchées via l’implication citoyenne pour faire face à la baisse des dotations de l’Etat… les raisons d’un tel regain d’intérêt sont nombreuses et les objectifs, la plupart du temps, louables. La démocratie participative vise à se rapprocher au plus près des réalités quotidiennes vécues par les administrés en les associant à des réflexions voire à des prises de décisions qui intègrent leurs propositions. Pour un décideur politique, c’est un formidable outil de dialogue et de concertation qui invite à quitter le cadre traditionnel des prises de décisions et à accepter d’enrichir son point de vue par des apports complémentaires extérieurs aux instances décisionnelles habituelles.
C’est donc un cadre de travail favorable qui doit faire l’objet d’une méthode et d’une stratégie, comme pour la QVT.
(A suivre….)
[1] Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) – 1993
[2] Un PDU est un document de planification, défini aux articles L.1214-1 et suivants du Code des transports, qui détermine l’organisation du transport des personnes et des marchandises, la circulation et le stationnement
[3] Comparateur de l’OCDE: http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/#/11111111111
[4] Préconisations du rapport Stiglitz: https://www.insee.fr/fr/statistiques/1372481?sommaire=1372485
[5] Détails du rapport Stiglitz: https://bien-etre.ooreka.fr/tips/voir/281889/9-indicateurs-pour-connaitre-votre-qualite-de-vie
[6] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_participative#cite_ref-30