CORONAVIRUS ET INTEGRATION (II)
Les cellules cancéreuses constituent des évolutions que pour le moment nous ne comprenons pas, incompatibles avec l’équilibre actuel de notre corps, et notre seule réplique consiste à ce jour à les combattre pour les détruire. Faute de mieux, cette stratégie sanitaire de sauvegarde doit bien sûr être poursuivie. Mais elle n’est pas exclusive d’une autre réflexion, d’une autre recherche, d’un autre idéal à poursuivre : celui de l’intégration par le développement.
Cette théorie de l’intégration suppose que nous-mêmes nous cherchions et trouvions les moyens et modalités d’une souplesse toujours plus grande : dans nos conditions physiques et matérielles, dans nos représentations du monde et des autres, dans nos modes de vie, dans l’ensemble de nos organisations. Cela entraîne aussi bien sûr de devoir laisser de vieilles pratiques, abandonner des idées qui ont pu être bonnes en leur temps mais qui sont aujourd’hui caduques, faire évoluer son mode de vie et ses habitudes. L’évolution est aujourd’hui le grand challenge de l’humanité, on le retrouve dans tous les grands défis qui sont devant nous, de l’écologie climatique à l’écologie sociale, et la COVID-19 est simplement venu nous en rappeler l’urgence. La seule constante vraiment à développer, et qui se dégage de toute réflexion approfondie, reste celle-ci : tout change en permanence, on ne sait pas grand-chose , la seule chose à faire est d’avancer vers une mise en harmonie croissante avec soi, les autres et l’environnement.
Nous sommes ici dans le monde des idées. Mais elles ne sont pas très loin de ce qui fait notre activité, le monde du travail. En effet, les principes de la recherche d’amélioration de la « qualité de vie au travail » sont proches de ce qui est exposé plus haut ; au sein des entreprises, l’idée est de développer des codes et des pratiques sociales plus intégratifs et participatifs, des modes de raisonnement et de management en phase avec les nouvelles attentes individuelles et collectives, des voies nouvelles sur les plans technique et communicationnels, l’intégration organisationnelle nécessaire des évolutions attendues. L’enjeu réel de l’époque que nous vivons est la création de nouveaux paradigmes sociétaux, et ceci est valable dans tous les aspects de l’existence humaine, dont le travail constitue un volet majeur.
De ce que nous défendons de la nouvelle « QVT » inspirée des dimensions qui précèdent, on en voit les prémisses dans l’ambition posée par l’Accord National Interprofessionnel de 2013 : l’objectif de l’intégration par la non-discrimination entre les genres, les états et les positions ; la recherche collective des améliorations systémiques ; la mise en débat des structures de l’organisation, de ses contraintes comme de ses ressources ; la place adaptée du travail avec ce qui constitue le hors-travail ; la circulation et le partage des informations et des idées ; l’amélioration de la santé physique et psychique par le travail de qualité ; l’adaptation des temps de vie… Toutes ces valeurs imprègnent désormais nos rapports au travail, et nos nouvelles démarches projet pour les organisations de travail. Loin de s’ériger en « gestes barrières », elles sont toutes porteuses d’espoir pour « le monde d’après ». L’enjeu de ces nouveaux ponts d’intégration, entre hier et demain, pourrait bien être la survie des organisations telles que nous les avons connues jusqu’ici.
Jean-Philippe TOUTUT, juillet-août 2020