L’Ethique du projet, secteur santé – social (I)
L’ « éthique du projet », mais aussi le « projet éthique de l’établissement », sont indissociables de la construction éthique du manager.
L’Ethique du projet
Le mot projet est employé quotidiennement dans les secteurs du soin et du social. Projet avec un usager pour son devenir, projet pour la sortie de dimanche prochain, projet de soins, projet pour refaire les peintures du pavillon, projet d’établissement ou de service… Le mot projet est à la fois une projection, une perspective, et aussi la mise en œuvre d’une stratégie avec sa méthodologie moderne :
- Dessein
- Dessin
- Conception
- Réalisation
Le mot projet s’oppose au caractère spontané, voire improvisé, des actions à entreprendre.
Tension dynamique et dialectique puisque le seul dessin ne suffit pas, il n’est que la traduction du dessein qui sera lui-même en question dans la réalisation.
Tout projet est construit sur un temps linéaire, un avenir ouvert pour orienter, développer, le sens du mieux-être humain collectif. En cela, il se distingue du temps cyclique et naturel qui est répétition ( Jour / Nuit ), et reproduction de schémas construits.
De nombreuses structures du secteur social et médico-social sont en effet dans un fonctionnement « répété » depuis des années, quelle que soit l’évolution de l’environnement et les injonctions notifiées. Mais comme par ailleurs le travail d’accompagnement est de qualité, avec des relations sociales apaisées, une belle image de la structure dans son environnement, mais aussi source d’emploi maintenant une vie économique dans des zones relativement isolées, un compromis est trouvé pour que rien ne bouge : dès lors, toute évolution proposée est menaçante car on n’en voit aucun intérêt. Le temps est arrêté, il « s’écoule » en boucle.
Le projet est une projection pour demain, il suppose de la part de ceux qui le portent une dose d’espérance. Esperance pour améliorer l’existant, le transformer. Cette confiance dans l’avenir comme création de possibles, est aussi une confiance dans les autres, dans l’humain, comme capable de changer et donc de risquer. Postures positives : en devenant acteur dans le dispositif, et donc prêt à changer pour soi-même.
Le projet « éthique »
Etablir un projet éthique consiste donc à tenter de s’arracher sans cesse à tous les déterminismes, à toutes les répétitions qui fixent les hommes et les groupes dans des états immobiles.
Sartre définit l’homme comme projet fondamental et original. « Condamné à être libre », l’homme « est ce qu’il devient ».
Le projet de l’équipe de direction de développer une prise en charge individualisée dans un établissement où seul le respect des règles collectives était au cœur de l’accompagnement, amène à développer la parole individuelle, créer des groupes de parole sur l’école, l’apprentissage, la sexualité, qui prennent place au cœur du projet.
L’équipe était un collectif ancien, uni dans la nécessité puisqu’elle a du souvent se substituer à des directions fragiles et instables. Si la résistance est d’autant plus grande au-delà des changements d’organisation et des formations à réaliser, c’est qu’idéologiquement la majorité pense que ces enfants et adolescents sont perdus et vont reproduire le schéma des parents : violence, séparation, marginalité, prison… le tout résumé par cette phrase entendue à l’encontre d’un jeune : « Tu es un bon à rien ! pourquoi cette violence ? tu finiras comme ton père en prison, qui a ramassé je te le rappelle 8 ans ! ».
Cette certitude de la répétition annule toute espérance et donc conduit tout projet à l’échec.
Tout émane d’un collectif ouvert, en phase avec les enjeux de l’environnement, en capacité d’adaptation. Ceci suppose des organisations adaptables, souples, où la parole circule, où le compromis est trouvé.
Tout projet est en perpétuelle adaptation parce que la possible maitrise n’est jamais acquise. La complexité est au centre de toute réalisation et en perpétuel déséquilibre. L’image de la marche représente bien ce mouvement d’un pas au pas. Tout projet de vie est risque parce qu’il est toujours en avant de lui-même.
Ainsi se dévoilent 4 valeurs essentielles au fondement de tout projet qualifiable d’éthique : il permet l’arrachement à tout déterminisme, il cultive l’espérance dans l’avenir, il prend des risques tout en permettant les ajustements, et enfin il s’inscrit résolument dans un mouvement permanent d’adaptation à l’environnement.
(a suivre)