Editorial premier trimestre 2023
BONNE ANNEE ET MEILLEURS VŒUX
Ce sera l’année des plus grandes incertitudes. Avez-vous remarqué : depuis quelques années chaque mois de janvier nouveau semble augmenter le degré d’incertitude sur l’évolution du monde. « Oui, mais cette année c’est encore plus incertain que l’année dernière.. ». Incertain, donc inquiétant.
Mais le propre d’un vrai tournant, d’un vrai changement, n’est-il pas que l’on ne sait rien de ce qui nous attend après le virage ? si nous le savions, ce ne serait plus un véritable changement.. Et pourquoi penser nécessairement que ce qui nous attend est plus dangereux que ce que nous connaissons déjà ? non, en réalité nous projetons dans l’inconnu une ambiance de danger, entretenu par le constat des circonstances extérieures, alors que nous pourrions tout aussi bien y projeter une espérance de renouveau, basé sur toutes les ressources infinies de l’humain. L’histoire du monde nous montre que de catastrophe en catastrophe, le monde s’adapte, renait de toutes ses cendres, ouvre à des ères nouvelles, et c’est bien ce mouvement permanent et jamais interrompu qui soutient nos états et nos actes. Peut-être même au-delà du sort de l’espèce humaine telle qu’elle est actuellement.
Dans une récente formation à des directeurs et cadres du secteur sanitaire et médico-social, je soutenais que l’une des dimensions du « professionnalisme » du dirigeant, de celui qui a des responsabilités, c’est la posture d’espérance (voir mon ouvrage « Manager l’éthique », éd. Séli Arslan, 2018) : espérance dans la portée de l’acte éducatif, espérance dans la transformation de la matière en production, espérance dans l’élaboration continue de la société.
Certes, ce que l’on voit se réaliser est important. Nous ne sommes pas tous comme ces artisans des cathédrales anciennes qui travaillaient avec ferveur leur pierre ou leur bois, tout en sachant très bien qu’ils ne verraient jamais l’œuvre achevée. Mais nous ne sommes pas pour autant condamnés à casser des cailloux comme ces forçats confrontés à l’absurde, ou comme Sisyphe qui pousse sa pierre jusqu’au sommet de la montagne et attend qu’elle redescende pour recommencer sans arrêt le même geste.
Dans ce processus de travail dont nous parlons, le but ou le résultat final importe moins que la poussée, l’impulsion, la dynamique : du fait qu’une énergie de transformation, quelle qu’elle soit, est à l’œuvre, alors l’espoir nous est permis, tous les espoirs sont permis. Le psychanalyste Bruno Bettelheim raconte dans « Le Cœur conscient » (1972, ré-éd. Poche, 1997) que dans un univers aussi fermé qu’un camp de concentration, il a réussi à garder puis à distiller de l’espérance parmi ses codétenus, et de ce fait à préserver des vies qui sans cela seraient inéluctablement tombées.
Nous placerons donc 2023 sous l’auspice de « l’espérance folle » que chantait Guy Béart dans les années 70, sans cesser de garder les yeux ouverts quand même, mais en ne participant pas du marasme et du pessimisme ambiants qui font à coup sûr le lit de tous les extrémismes et de tous les renoncements coupables.
BONNE ET BELLE ANNEE A TOUS !