Editorial 2nd trimestre 2023Editorial
Avec le fiasco de la réforme des retraites, une fois de plus, nous ratons une belle occasion de nous poser les bonnes questions.
La seule question importante de toute communauté humaine devrait être : que voulons-nous construire ensemble comme type de société, qui permettre à chacun et chacune de vivre décemment et de progresser ?
A propos des retraites, les questions fondamentales auraient dû être : quelle place voulons-nous donner au travail dans notre société, quelle définition de l’activité salarié, de l’argent, du temps de vie consacré aux choses matérielles, quelles conditions de travail pour quels épanouissements, comment inscrire le travail dans un rapport étroit avec la nature et le vivant, quelle répartition des richesses produites par le travail, quelles perspectives donner au travail pour les générations futures etc ?..
Au lieu de cela, nous avons une réforme politique fondée sur le calcul et l’économique-roi, une crispation généralisée autour d’un arbre qui cache la forêt : les 64 ans, et un conflit dans l’enlisement duquel chacun semble trouver un malin plaisir ou un sordide bénéfice politique à court terme. Plus le rapport de force se cristallise, moins les perspectives d’une négociation sociale dans l’intérêt général se dessinent.
Non, pour nous ce n’est vraiment pas la question des 64 ans qui importe ! non pas que la question des retraites ne soient pas un sujet : mais celui-ci devrait s’inscrire dans la problématique beaucoup plus vaste du rapport au travail, qui peut inclure des formes beaucoup plus originales et souples de fin de l’activité salariée.
Retraite qui pourrait être par exemple modulée dans une fourchette large selon des critères comme la pénibilité, la motivation au travail, le souhait des acteurs eux-mêmes.. Départ à la retraite qu’une société évoluée pourrait transformer en « nouveau départ » vers un nouvel âge de la vie.
Il parait qu’une Loi travail à venir en avril 2023 devrait embrasser différents aspects de la vie au travail, de la formation, de la qualité de vie au travail. Le règlement ou la négociation devraient aménager des pans entiers des conditions de travail. Nous les regarderons certes avec attention, espérant toujours trouver ici ou là quelques avancées et soulagements pour les souffrances les plus pénibles.
Mais la voie du cadrage ne remplacera jamais celle du sens au travail, qui prend racine dans les individus concernés, au niveau le plus profond de leur rapport à la vie. Et aucune mesure, établie dans le contexte d’un marchandage de la paix sociale, ne pourra remplacer la richesse d’un large débat de société que nous appelons de nos vœux.
Jean-Philippe Toutut